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Un Mey de Choix À l’Heure de l’Apéro !
18 h 58 : Le soleil cogne encore sur le théâtre Silvain, qui bruisse d’avant show…
Tandis que le lieu à ciel ouvert se remplit doucettement et qu’une sauvage double queue s’organise sur le côté de la scène pour tenter d’aller quérir une bouteille de bière en « édition limitée » (l’emballage, malheureusement, pas la bière !) ou une boutanche de rosé « acide du boyau » à 20 Euros, le premier groupe programmé de la soirée investi prestement son espace adhésif, pensé et enrubanné de main(s) de maître en compagnie du collectif Berlinois Tape Over !
Guidé par une guillerette « boîte à sons qui rythme », et introduit, le trio sait qu’il n’aura pas de temps à perdre (vu la programmation de l’événement et les orages annoncés en fin de soirée) et opère donc une rapide et réelle montée en puissance, tout du long du très abouti, rythmé et ambiancé : Loner / Prisoner ; un morceau nanti d’une belle retombée très « Progressive Rock 70’s », nimbée de claviers et fûts martelés, avant expiration finale (qui manque juste d’un largage de rubans encore plus affirmé ou d’une guitare agressive qui tricote et triture en orfèvre). Un début à cocher à la case « réussite », qui semble à la fois fédérer immédiatement au sein de gradins plutôt attentifs (et déjà garnis d’attente) et dénouer la logique boule d’angoisse nichée logiquement derrière chaque musicien et/ou voix au moment du historiquement casse-gueule « premier morceau du set » : « J’étais un solitaire, un prisonnier / Me sens perpétuellement effrayé, même si j’en ai oublié la raison / Effrayé à l’idée de rire, partager, aimer, protéger… ». Une énergique mise à nu, de la part de son auteur Martin Mey, suivie du non moins structuré et dense Apart : second extrait du récent et plus que recommandé à donf : Taking Off ! (Naïve/Differ-Ant/2014).
Depuis son passage hivernal à la « Friche in Massilia » (19/12/14) l’ensemble s’est produit un peu partout au sein de notre hexagone (y compris au fameux Printemps de Bourges, très prisé des gens du métier du disque et medias) et sonne désormais comme un véritable groupe, uni et sur la même longueur d’ondes ; aussi, Hugo Maillet (basse + claviers + espadrilles vintage sous jeans remonté & voix) semble aujourd’hui faire partie intégrante du grand « tout » formé au moment du précédent EP Never Go Down, alors annonciateur de la formule (actuelle) à venir. En phase avec lui-même (ça commence toujours de cette façon, en gros…) Martin (claviers/guitares/boucles et voix principale) perpétue cette façon particulière qu’il a (toujours eue) d’accompagner les temps du plat de la main entre cœur et plexus ; pendant qu’il tapote en silence, paupières mi-closes, Laurent Tamagno (batterie & chœurs) marque franchement le break et agresse du fût sans ménagement aux yeux et conduits auditifs de toutes et tous ; un tripoteur de baguettes qui emmène ici un peu de poils (au menton, un peu genre barbe) au reste du collectif qui en manque cruellement : entre le look très « New Wave 80’s » du susnommé Hugo, et celui de quasi premier communiant du leader en chef (songwriter, parolier et arrangeur) taillé très court du cuir chevelu, portant petite chemisette estivale et pantalon assorti, et… baskets blanches vintage du plus bel effet !
Quelques mesures plus loin (plus tard ? Les deux fonctionnent, en fait) le show semble prêt à basculer vers tout autre chose, encore (higher, ailleurs ?) surfant sur l’épastrouillant One Time, Too Many, nanti ici d’un solide mur de basse-batterie propice à laisser aller nos corps (meurtris par de récentes et handicapantes poussées de chaleur) à bouger et suer de nouveau tout en fermant les yeux d’abandon ou bien en laissant errer nos regards de plaisir entres pins fournis postés juste derrière, avant que de se perdre dans l’inamovible azur méditerranéen posté de placide au-dessus de l’assistance (sur fond, de : « Le matin arrive, et je me sens raide / J’ai toujours été une abeille travailleuse / Cette fois, je ne reviendrais pas / Cette fois, c’est la fois de trop ! Cette fois, je ne reviendrais pas / Cette fois, c’est la fois de trop ! »).
Quoique déjà présent sur le séminal EP Get Out And Live, en une tout autre version, Running Child convainc encore et toujours, en dépit d’un trio de notes, façon gimmick, me rappelant fort inopportunément les remugles passés du Disco honni (par mes feux) des années 80 ! Impression initiale confirmée par un échange « basse-batterie » chassant sans vergogne sur les terres des défunts sanctuaires du genre autrefois nommés Le Palace, Les Bains-Douches, La Scala, ou le… Studio 54 ! Lors, une partie de mon cheptel neuronal ne peut m’empêcher de m’glisser que ce morceau bien bâti « mérite bien mieux, niveau arrangements ! », pendant que l’autre partie, elle, semble trouver que cela « fonctionne plutôt pas mal ! »…
« C’est tellement beau, ici, que j’en perds ma voix ! C’est pourquoi je vais maintenant vous faire un morceau bâti sur vocalises… sans voix ! » (M. Mey : sourire mutin en coin et pince sans rire).
Introduit, donc, par un trio de voix placé à l’unisson, Never Go Down (accompagné au moment de sa sortie d’une malicieuse et joyeuse vidéo) doté sur le CD d’un antique Mellotron, et également morceau phare du précédent EP éponyme, s’est depuis considérablement « épaissi » en dépit d’une batterie un tantinet en retrait par rapport à la version initiale une première fois gravée en février 2014 sur… rien, en fait ! Ce fût alors une putain de sortie « digitale », recommandable en diable, soit, mais encore dématérialisée de l’existence, à c’t’heure : « Naître ou ne pas être ! », en somme…
Un morceau qui me semble empreint d’une âme très Gospel, un style déjà pas mal défloré par Martin lors du second EP Out Of My Loops (2011) à l’aide de morceaux nommés Nobody’s Fault But Mine, Satisfied Mine, ou… Wade In The Water : « Si je marche jusqu’à un mile d’ici, je trouverai la rivière / Si je marche jusqu’à dix miles d’ici, je trouverai la mer… » (Never Go Down).
Entracte pas obligatoire, certes, mais informatif au sens technique :
Pour celles et ceux qui seraient intéressées par un rien d’histoire de la musique, le Mellotron est un échantillonneur polyphonique sur bande magnétique créé au début des années soixante, issu d’un instrument similaire nommé le Chamberlain, et, euh, bref… c’est l’instrument qui introduit le Strawberry Fields des Beatles, le In The Court Of The Crimson King de King Crimson, le Stairway To Heaven de Led Zep (non, non, ce n’étaient pas des flûtes, non, non, non et… nope !) et, quelques milliers d’autres « petites choses » gravées çà et là sur disque, depuis.
Fin de l’entracte et reprise de l’article écrit au fil du show…
Sur fond d’intro oscillant entre comptine et ronde, Seed Song semble placée ici pour rappeler (ou faire découvrir) à toutes et tous, que l’homme de belle taille désormais installé derrière le micro central taquine délicatement de l’acoustique ; un beau moment de respiration, et ce, même si l’énergie (et le partage) créé en amont semble refluer quelque peu ou s’atténuer un brin en dépit des ronds arpèges, très classiques de la construction, distillés en orfèvre – une des multiples facettes de la boule (à zéro ?) Martin, définitivement !
Après avoir jeté tous les remerciements d’usage, en stock, le trio, de nouveau « serré serré », revisite d’envie le Song 2 de Blur et en livre une version des plus déstabilisantes (lorsque l’on est fan invétéré de Damon Albarn & Graham Coxon, bien évidemment). Une première fois gravée sur EP (Out Of My Loops/2011) et régulièrement changée des arrangements en Live, elle semble être à jamais liée au parcours musical du gars et se pare ce soir de boucles et attraits très Electro, quoique boostée d’une suite de montées et attaques de caisse claire qui ramène immanquablement vers de toutes autres contrées… ce qui semble ne troubler aucunement le « héros première partie » du soir, bien décidé à passer à loisir d’une ambiance et d’un (présupposé) style à l’autre ; sachant très bien, qu’à terme, que l’on taxe sa musique (et divers projets passionnants ou parallèles menés de concert en étroite collaboration avec d’autres artistes, structures et collectifs) d’Electro-Pop, Pop-Électro, Indé-Électro-Pop, ou autres ridicules ou circonstancielles appellations, rien ne comptera plus au final que d’avoir marqué l’ensemble de ses travaux de son empreinte/ADN perso et fait en sorte que son talent sue puis transparaisse pleinement au travers de chaque note, écrite, jouée ou chantée tout du long de sa (nous l’espérons) belle carrière encore à bâtir puis consolider de notoriété à ce jour ; le talent, quant à lui, étant d’ores et déjà présent ou sous-jacent à chaque « Martin » instant…
Tandis qu’il quittait la scène, je me suis plu à penser que cela aurait pu (dû) durer plus longtemps, afin de pouvoir convaincre mieux chaque spectateur de la nécessité qu’il y aura désormais à le suivre et l’écouter, ou le soutenir sans compter…
Impression confirmée par la suite à l’écoute du groupe/duo suivant, plus particulièrement. Les sœurs jumelles de Ibeyi, en l’occurrence. Elles ont beau toutes deux (nées du même œuf) s’avérer agréables à regarder, faire le buzz et compter (en très peu de temps) une véritable pléiades d’articles élogieux et interviews dociles, toutes nées de la sortie de leur album éponyme, les écouter minauder et feindre carrément d’arborer le « melon » qui semble les chapeauter, devient très vite irritant et désagréable ; ceci ajouté au fait que leur patrimoine génétique musical – à défaut du folklore Yoruba revendiqué et de la réalité de leur géniteur (percussionniste chez Buena Vista Social Club, entre autres choses et projets) – me semble être en grande partie « hérité », « influencé par » ou « emprunté » à une autre héritière d’une grande tradition musicale, la belge Marie Daulne ! Originaire de la République Démocratique du Congo, cette vocaliste hors-normes aura fondé les polyphonique et inventives Zap Mama (premier album enregistré intégralement a capella) travaillé plus profond la formule, joué avec Higelin, avant que de poursuivre sa route en solo et aller retrouver ses « roots » Africaines musicales au sein d’albums inventifs tels Adventure in Afropea, Seven (un sommet), À Ma Zone, Ancestry in Progress, Supermoon et… ReCreation ! Une suite de créations qui lui auront permis, toute une vie musicale durant, de mêler hardiment les voix du passé en provenance du berceau de l’humanité, les instruments traditionnels, le Trip-Hop, Nu Soul, Rap, Reggae, Jazz, Pop et Soul… Pour un résultat décoiffant à (re)découvrir au plus vite. J’y pense fortement lorsque le duo gémellaire s’introduit sur avant-scène, nanti uniquement d’une paire de voix montée sur talons et énergie. Loin de moi l’idée de chercher à les diminuer, artistiquement parlant, elles font plutôt pas mal le job, assurent leurs parties vocales et instrumentales et le public sans mémoire semble être prêt à les River adopter illico… reste que, elles manquent cruellement d’inventivité, arrangements RÉELLEMENT originaux et mélodies costaudes ou à tomber ! Et arrivent de fait (en retard) après de nombreuses autres ayant déjà révolutionné le genre, par le passé.
Tandis que l’une (Naomi) tamponne du Cajon, que la seconde (Lisa-Kainde) caresse les ivoires de son piano avec passion et que leurs deux voix s’« unissonent », je ne peux m’empêcher de penser aux géniaux Lo’Jo Triban, puis de me demander si ces gamines seront encore là (où elles sont actuellement) dans un an ou deux (allez, trois !) à l’image de nombre de « produits estampillés world » poussés depuis des années par les Inrockuptibles, Libé, Nova, et autres (nombreux) consorts (complices) du milieu…
Tout en leur souhaitant réellement de progresser et passer prochainement à autre chose, jusqu’à trouver LEUR réelle identité/originalité musicale. Après tout, elles n’ont jamais que 20 printemps… et un été !
Pour passer le temps, j’imagine tout d’abord Martin Mey revenir sur scène à la demande générale pour y interpréter le très beau Snowing On School Days (repris en chœur par une foule attentive et concernée) avant que d’enchaîner avec le délicat Elephant, puis Live. Porté par une foule en délire qui l’implore de ne surtout pas (re)partir, il se fendra alors d’une reprise apaisée du splendide Lady Grinning Soul (David Bowie) tournera autour du The Twist de Klaus Nomi (histoire de montrer à tous qu’il possède une belle série d’aigus), revisitera goulûment The Model (Kraftwerk). Radieux, comme délesté d’un poids trop longtemps porté, il viendra alors s’asseoir doucement sur le rebord de la scène, nanti de son acoustique, pour y détricoter The One I Love (REM), puis une paire royale formée de Out Of Time (Blur) et In The Sun (Joseph Arthur).
Je sais, je sais, on en a « interné » pour bien moins que ça, j’suis au courant. Reste, que, le temps passe beaucoup plus vite lorsque l’on occupe son esprit, le laisse vagabonder sans retenue ou rêve les yeux ouverts… surtout lorsque l’on attends de pouvoir passer à LA suite !
Toujours dans le cadre de L’Edition Festival, donc, une troisième personnalité (de renom, elle) était attendue de nos/mes feux au coin de la scène du Silvain : la troublante Neneh Cherry. Une Américano-Suédoise bondissante au pedigree racé (fille du trompettiste Don Cherry) qui avait su en son temps trouver SON puis UN plus large public à l’aide d’une musique exigeante et inventive, mais festive. Dès l’année 1989, et l’emballant Raw Like Sushi, elle avait fait feu de tous bois : Buffalo Stance (imparable et dansant), Manchild (malin et mélodieux), Kisses In The Wind (poppy et rond). Un Homebrew plus loin (perclus de sommets tels Move With Me, Sassy, Peace In Mind, ou l’inclassable Trout, chanté avec Michael Stipe/REM et bâti sur le riff de guitare du génialissime The Pusher de Steppenwolf…). Massacré d’attitude par certains de ses premiers amoureux pour avoir accouché d’un album plus que solide nommé Man, en 1996 – un album contenant pourtant Woman, Trouble Man, Feel It, Hornbeam, Kootchi, Everything, et… 7 Seconds (enregistré avec Youssou N’Dour) – elle opérera un mouvement de retraite temporaire, avant de se fondre en divers collectifs, plus ou moins « justifiables et nécessaires » (CirKus/The Cherry Thing) jusqu’au très récent Blank Project (2014) ; un album plutôt accompli, étonnant et sensé (avec du sens dedans, quoi…) assis sur une base rythmique tarabiscotée et une recherche de son ambitieuse, qui interrogeait légitimement au moment du passage à l’« acte » scénique.
Après avoir observé le manège incessant et troublant des garçons et « filles » – toutes mieux lookées ou apprêtées, les unes que les autres ! – se dirigeant en bande vers les toilettes du lieu pour y satisfaire aux besoins de dame nature, après une belle suite de bières ou descentes rapides de rosé plus ou moins frais, le noir envahissait enfin l’arène plus que remplie.
Si les premiers morceaux joués m’auront alors paru emballants et super bien bâtis, sur le moment, je me dois d’avouer de piteux ici, que cela n’aura duré qu’un temps, désolé…
Certes, la complexité des rythmiques, boucles, samples et réelles parties de batterie interprétées par ses deux compères, a de quoi séduire (Blank Project, Weightless, l’épastrouillant Cynical) voire pousser à danser et s’exprimer dans l’arène, l’on ne peut s’empêcher néanmoins de ressentir un certain sentiment de répétition, de déjà vu ou/et entendu au fil des morceaux.
La faute à qui ? Pas à la dame, nope : elle donne de sa personne comme jamais, semble bourrée d’une énergie quasi inépuisable, danse et bouge comme au bon vieux temps de sa jeunesse des 90’s… et possède toujours un bel organe… vocal. Il n’en reste pas moins que, vu le côté réduit des effectifs de RocketNumberNine (un Ben raide, penché en permanence sur ses claviers et « machine à sons », un Tom de batteur absorbé par sa tâche herculéenne et l’absolue nécessité d’être en place tout du long, vu qu’ils ne sont jamais que deux musicos en tout et pour tout !) la pauvreté des effets spéciaux, l’absence de vidéos ou projections et un éclairage des plus sommaire, la recette/formule a tendance à vite s’essouffler pour tourner à l’ennui (au niveau de votre serviteur/scribouillard). Seule solution, se laisser emporter et danser sans jamais penser à autre chose ou cérébraliser, ce que je n’aurais pas réussi totalement à faire, devenant très très vite un simple spectateur attentif, plutôt déçu et hors du truc, qu’un conquis de service, pour tout dire.
Sentiment partagé par une belle frange de l’assistance venue pour tout autre chose et qui décarrera au plus vite dès que les premières (énormes et serrées) gouttes de pluies se seront invitées à la fête. Une débandade quasi générale (hormis le public massé/dansant devant) sur fond de Buffalo Stance, qui sonnera très vite le glas de cette mitigée soirée de samedi soufflant le chaud et le froid, le bon (Mey) et le superfétatoire (Ibeyi), le projet Blank, et la pluie venue résolue de la mer pour tout nettoyer d’autorité…
Merci à Pirlouiiiit pour ses photos
http://www.flickr.com/photos/Pirlouiiiit