/// CharlElie en concert ///
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A New Yorker in Néoules…
(En attendant Septembre)
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C’est toujours délicat de revenir sur un musicien déjà chroniqué de Live quelques semaines auparavant – paraît-il ! – comme quoi, contrairement à l’artiste, le scribouillard ne serait pas capable (enclin) de se renouveler suffisamment et donc peser de tout son poids sur l’épaule déjà marquée/affaissée du lecteur et/ou Fan en attente légitime de « nouveauté ».
En conséquence de quoi, celles et ceux qui auraient déjà consulté mon premier effort livré au mois de Mai, peuvent d’ores et déjà passer leur tour, le relire (http://www.concertandco.com/critique/concert-charlelie/le-poste-galene-marseille/48335.htm) ou se jeter sur les comptes-rendus de festivals qui pullulent actuellement sur les écrans comme les révélations autour de la bouillante marmite UMP, de plus en plus semblable au Tonneau des Danaïdes de la légende…
Quant aux autres, sachez que ce papier (nostalgie, quand tu nous tiens…) sera agrémenté d’extraits d’une Interview EXCLUSIVE, réalisée quelques paires d’heures avant le show (ne le répétez surtout pas à ceux qui auront lâchement « déserté » ces lieux, cinq lignes auparavant…).
À l’instar de ses « congénères » estivaux, le Festival de Néoules permet, trois soirées durant, de déplacer une foule compacte et curieuse en des endroits méconnus (ou extrêmes) de notre territoire ; d’emmener ces centaines de braves humains en attente à jeter une oreille vierge sur de multiples groupes en devenir (ou pas), de redécouvrir des artistes moins exposés que par le passé ou confirmer qu’il faudra compter avec d’autres (aux dents longues) au cours des années/étés à venir.
Celui-ci ne faisait d’ailleurs pas exception, puisque accueillant un panel large et varié de tout ce qui aura été décrit céans en amont (François Hadji-Lazaro, Oai Star, Danakil, Yaniss Odua, Général Levy, Congo Natty Crew, Avis de Bâtard…).
Points Positifs : la vigne et les arbres, l’accueil, les stands jetés un peu partout autour en mode « environs de Woodstock », l’espace Arts Plastique sous forme Work In Progress, les deux scènes (correctement éclairées et bien sonorisées) permettant un enchaînement rapide des artistes.
Points Négatifs : le pain mou cherchant à étouffer les merguez (et… nous, donc !), certains spectateurs ayant plutôt tendance à confondre « nuit de biture extrême en mode férias » et plaisir d’écoute (participative) ou joie de la découverte (en minorité, comme toujours, mais bruyants et « pètes quenouilles », comme… à chaque fois !).
Entré du bond pied sur Appel à L’aide (Les Peurs) et les cendres encore fumantes des voisins de Oai Star, le sieur CharlElie semble décidé à faire taire ses prédécesseurs (qui viennent de traiter ses Fans à lui de « vieux écroulés ! ») ; à rallier derrière son Casque Nu les spectateurs en attente massés d’envie devant la grande scène. Une entrée en matière dense, compacte, qui ne peut que nous faire regretter que le disque dont il est extrait (Double Vue) ait très peu rallié les suffrages en son temps (2004) fait écho ou obtenu nul satisfecit, de la part de nos masses média parfois lestées de préjugés : « Je me rends compte aujourd’hui, que mes disques récents étaient peut-être « difficiles » ! Là, cette fois, pour ImMortel, Benjamin (Biolay) a trouvé une sorte de commun dénominateur entre les chansons et, tout en faisant des choses diverses, il a fait en sorte que l’on puisse écouter le disque… sans même l’écouter, si je puis dire ! Enfin, on peut l’« entendre », sans l’écouter… Alors, que, si j’avais un reproche à me faire, en termes de production, je dirais que j’ai souvent exagéré les effets… Comme avec New Yorcœur, par exemple, qui contient des chansons qui sont toutes bien, ok, mais prises, « une par une » ! Les chansons « Rock », sont super « Rock », et les chansons « mélo », super « mélo »… Une chanson comme, Ton Jour de Gloire, par exemple, qui est douce, ironique, mais douce… si tu la compares avec Spielberg… où, là, ça pète fort, c’est demander beaucoup d’efforts aux gens, de leur demander de me suivre dans un sens ET dans un autre : l’amplitude est grande… si tu t’adresse aux gens qui aiment mes disques et leur diversité, pas de problèmes, mais, pour les autres, ceux qui ne veulent pas avoir à se poser de questions et qui peuvent aimer, soit l’une, soit l’autre, de ces formules, c’est très différent… ce que j’ai compris au moment de la sortie de New Yorcœur… » (CharlElie/Méounes/17-7-14). (NDLR : une explication qui en vaut une autre, cette diversité-là faisant souvent la marque de fabrique de très grands albums et New Yorcœur restant un bel album, plus que recommandable…).
Une fois l’espace maîtrisé et le son en place, le quintet se lance tout de go dans une paire de rythmiques Bluesy et charnues – La Musique des Villes, Le Menteur de Métier – qui font immédiatement suer les « présents » en abondance et tester la solidité des tendons dressés ici sur terre et cailloux : genoux, hiboux, pou-pou, pidou… poux ?
Ce qui est rassurant, avec le gars CharlElie (mais souvent inquiétant pour d’autres, dont je tairai ici le nom) c’est que les nouvelles chansons extraites de l’album ImMortel à sortir (16 septembre 2014) sonnent déjà comme des classiques de son genre : capables, sans déranger ou entacher, de s’insérer de facilité et d’écriture de qualité au sein de bon nombre de grands albums passés et récents, dont il aura été coutumier (Quoi Faire ?, Art & Scalp, Melbourne Aussie, Solo Boys & Girls, Les Naïves, New Yorcœur, Fort Rêveur) ; c’est le cas de Comédienne (Bipolaire) et de Be An Artist : dont le solo très Hendrixien de Karim Attoumane, tout en maîtrise (pas d’esbroufe, nope !) permet au show de pendre son rythme de croisière avant même que l’on ne s’en rende compte ou fasse un état de lieux précis des morceaux joués. Cette dernière étant entièrement écrite en Anglais, ce qui me paraît déstabiliser un rien la dame d’à côté, ayant un peu trop vu, sur le houblon, sa bouche forcer :
« Comme à la sortie de Fort Rêveur, très peu de gens ou médias ont daigné parler du disque, pour diverses raisons, autres que sa qualité… Rock & Folk n’a pas écrit une ligne dessus, les Inrocks n’en ont pas parlé, rien chez les autres… Je me suis alors dit que j’allais enregistrer un disque en Anglais pour le marché Américain ! Il s’appelle Be Yourself, chanté entièrement en Anglais et produit par le clavier de Patti Smith, Bruce Brody… Il tourne actuellement en téléchargement sur un site privé dédié entièrement aux « recherchistes » qui travaillent pour le cinéma ou les Séries Télé, à la demande du label Américain que j’ai approché ! Il n’est pas accessible autrement. Quant à moi, je ne voulais pas le sortir en France, pour ne pas que les gens disent « ha, ça y est ! Maintenant qu’il vit aux Etats-Unis, il ne chante qu’en Anglais, etc… », tu vois l’genre ? » (CharlElie/Méounes/17-7-14).
– Intermède didactique, un rien démagogique
Celles et ceux qui pourraient parfois se laisser aller à penser que le talent s’attrape et se véhicule comme un virus, ou que la réussite vient (principalement) du hasard, ou du bon timing, seront bien avisés de noter qu’au cours des deux mois écoulés, le groupe se sera bonifié, qu’il est encore plus en « place » et que les versions proposées auront visiblement bénéficié du travail de fond entrepris, des efforts effectués depuis la première partie de tournée offerte en Mai.
Fin de l’intermède –
Ce qui saute aux pavillons, ce soir, c’est que la section rythmique, formée de Denis Benarrosh et Bobby Jocky, est un ciment solide (et prompt à la fois) sur lequel s’appuyer pour avancer dans la direction musicale choisie, et/ou se laisser aller à digresser à l’occasion : comme sur l’extrait choisi du très abouti Melbourne Aussie : La vague (« Un Wombats me regarde en se grattant le front »… d’incrédulité ou de jalousie ?). Impression confirmée, un solo de Wah-Wah plus loin, par une magistrale version de Keep On Moving (Esmeralda 2nd) toute en pleins et déliés, en moments forts et aérés, finalement exécutée d’un solo meurtrier, par le Child du Voodoo en personne aux commandes incontesté du Mojo à six cordes parfait…
Durant celle-ci, je passerais pas mal de temps à me laisser porter en fixant mon regard sur l’autoportrait du maître, nanti d’une barbiche blanche (posé derrière Karim) que je verrais alors s’animer puis tournoyer sans fin devant mes yeux, tel un derviche en transe qui ne sait/fait que monter, monter, monter encore, en intensité, au fur et à mesure des mesures avalées.
« Faut dire, que le présence de Denis Benarrosh à la batterie, qui a joué avec Benjamin et qui est le batteur du disque ImMortel, amène une sorte de pondération rythmique qui permet à Karim de se lâcher comme il le veut… une belle section basse/batterie, avec Bobby Jocky à la basse ! On a commencé à tourner ensemble, sur la fin de la précédente tournée, et… c’est un très beau bassiste : beau son et belles notes ! Ce qui fait que j’ai un groupe cohérent, quoi, avec lequel j’ai plaisir à jouer… » (CharlElie/Méounes/17-7-14).
La Dernière Heure est de nouveau un reggae (y’en aura eu pas mal, depuis le début) qui, contrairement aux images d’Épinal de cette musique soi-disant « festive » et « chaleureuse », revient sur LA chose angoissante par excellence pour l’humain voué à la disparition : les derniers instants « médicalisés » d’une vie humaine, le moment de boucler la boucle, les derniers instants d’un souffle unique et singulier, finalement dénoué à l’aide de cette phrase glaçante, qui écrase plexus et pensées d’une même chape : « La Dernière Heure Est La Plus Longue ». Un amer constat ? Une peur inscrite au fond de chacun d’entre-nous et « vous » à partager ensemble d’irrémédiable, ou bien encore… LE moyen d’y penser en l’appréhendant au mieux ? Enfin, en tâchant de le faire, plus précisément ; vraisemblablement une façon comme une autre d’exorciser cette vision suffocante qui tranche singulièrement ici avec les « boulègue, collègue ! », que lance à son adresse, à intervalles réguliers, mon voisin sous casquette et favoris posté juste derrière : où et quand, finesse d’écriture, rime avec… citron pressé sous biture ?
Tandis que la phrase « est-ce un message mystique, ou un flash sans raison ? » (Le Vieil Homme) me taraude instamment le « dedans » du moi en proie au doute estival né de la promiscuité, je me rends compte que l’on vient de plonger en l’épastrouillant Under Control (TC Brother) : une interprétation un tantinet différente de celle ouïe au Poste À Galène de Marseille, il y a deux mois et quelques, ce me semble, à moins que ma mémoire ne joue tout bonnement des tours à ma vieille trogne égratignée puis froissée par les 33° subis sans discontinuer depuis l’aube… qui sait ?
Tandis que CharlElie égrène consciencieusement son intro destinée à pointer les divers éléments (ingérables et incontrôlés) ayant un jour contribué à faire de la chanson à venir, SON plus grand succès, je cesse de me demander pourquoi certains « grands » ont accepté le fait de ne plus s’exprimer dans les grandes largeurs, ou peu, en mode « festival » : tandis que l’une arrose sa camarade en tentant de la « ramener » à elle, un autre lance le très emmerdant et inexpugnable « Rock’n’Roll ! » : accompagné du fou rire aviné d’un troisième larron occupé à palper sans pudeur les rondeurs d’une (future) conquête en sueur qui dodeline doucement de la tête, yeux dans l’vague sur bouche molle…
C’est fou comme les grandes chansons peinent à s’user à l’usage : je ne saurais dire combien de fois (en milliers, s’entend) je l’aurais entendue, cette petite merveille d’émotion et feeling à partager de serré – dans toutes les conditions, états et positions – qu’est, a été, et restera à jamais Comme Un Avion Sans Ailes ; lors, je ne puis m’en lasser, c’est un fait avéré : celui qui me permet encore et toujours aujourd’hui, d’écouter, sans rechigner ni me plaindre : Whiter Shade of Pale (Procol Harum), The House Of The Rising Sun (The Animals), Wild World (Cat Stevens) Many Rivers To Cross (Jimmy Cliff), No Woman, No Cry (Bob Marley), Hotel California (The Eagles), Stairway To Heaven (Led Zeppelin), Hey Jude (The Beatles), If I Were A Carpenter (Tim Hardin), Ballade de Melody Nelson (Serge Gainsbourg), C’est Extra (Léo Ferré), Say It Ain’t So Joe (Murray Head), The Sounds of Silence (Paul Simon), ou… Solitary Man (Neil Diamond) !
Un mystère toujours épais, au demeurant, même si la version de ce soir ne figurera pas au niveau des plus abouties : un trio de donzelles ayant décidé de la massacrer tout du long en donnant de la voix (chacune à une hauteur différente, mais toutes fausses, néanmoins). « Lui », sur scène, à l’opposé, la chante sans débander ni renoncer, fidèle et concentré, agenouillé (yeux frits) à son chevet.
Après le futur mais actuel L’Amour au Fond (et son clip vidéo plutôt malin et poétique, qu’il est conseillé d’aller mirer sur site) il sera plus que temps de rappeler au parloir, l’antique Jacobi (inséré au sein des Naïves, dix-huit années plus tôt : date de sa dernière apparition aux Francofolies de La Rochelle, manifestation qui vient enfin de se souvenir de son existence pour l’afficher cette année à ses côtés) pour conclure le set en beauté, en mode posture de recueil : lumières de bronze, crâne lisse de bonze, phalanges Soudées, Soudées d’éternité et cou qui ploie d’humilité.
« Du nord à l’est, du sud à l’ouest, Jacobi cherchait le paradis ! » : nul ne saurait affirmer, sinon le principal intéressé, s’il l’aura jamais trouvé, lui, depuis dix années, de l’autre côté de l’Atlantique, mais nul autre que lui ne saurait le contester jamais, ou s’y risquer :
« La plus grande différence entre les Etats-Unis et la France, c’est le rapport au « présent » : est-ce que le présent, c’est le sommet de quelque chose… d’un sommet, d’une expérience, d’un passé, d’un savoir ou de l’accumulation de tout ce qui fait que tu en es là aujourd’hui, en ce moment très précis… ou est-ce que le présent est juste la base de quelque chose à venir ? C’est la toute la différence. En France, on considère le présent comme le sommet d’une montagne, d’une expérience, d’un savoir et de tout le reste ; alors qu’aux Etats-Unis, c’est juste la base d’une falaise ! C’est dur, une falaise, et puis, il faut la gravir ! T’en es toujours responsable, toujours à zéro, toujours en bas, c’est épuisant, et puis… que tu aies dix-mille employés ou que tu sois tout seul… t’es toujours au bas de la falaise… À New York, par exemple, t’es dans une ville où rien n’est jamais acquis ! Du coup, dès que t’as trouvé un « truc » il faut aller plus loin, et puis plus loin… Lorsque j’ai fait écouter le nouveau disque à mon pote Bob, un poète Américain qui m’avait donné certains types de conseils, sur ce même disque, il m’a dit « c’est super ! Et le prochain, c’est quoi ? » (rires partagés)… attends, attends, il vient tout juste d’arriver, il est même pas « sec », encore, profitons-en ! Mais, non ! Immanquablement, tu es obligé de vivre avec « ça », parce que ça t’entraîne… » (CharlElie/Méounes/17-7-14).
Quelques minutes plus tôt, durant un épique Oublier (Poèmes Rock) les sieurs Karim et CharlElie auront longuement croisé solo et notes, avant que les doigts du premier nommé ne tirent de la corde à donf, afin que de rappeler au présent(s) du passé antérieur (à sa venue) que le gars Alice (Botté) avait de fait trouvé un successeur à qui parler (jammer ?)…
Setlist/Néoules/17-07-2014 :
Appel à L’aide (Les Peurs)
La Musique des Villes
Le Menteur de Métier
Comédienne (Bipolaire)*
Be An Artist*
Quand Les Nuits Sont Trop Longues
La Vague
Keep On Moving (Esmeralda 2nd)
La Dernière Heure*
L’Autre Côté*
Le Vieil Homme*
Under Control (TC Brother)
L’Histoire du Loup Dans La Bergerie
Oublier
Comme Un Avion Sans Elle
L’Amour Au Fond*
Jacobi Marchait
*Extraits du disque ImMortel/Universal (sortie le 16 septembre prochain).
Les « mots » de CharlElie accompagnant ce compte-rendu, sont extraits d’une Interview à venir tout bientôt sur ce même site : enregistrée sur la terrasse ombragée de l’hôtel-restaurant La Source, à Méounes, le 17 juillet 2014.