Bleus contre Nati !
Huit courtes années plus loin, à peine, voilà que « ça » recommence : retour sur LE précédent par excellence : LE France-Suisse, de 2006 !
Extraits tirés de :
« Et Pourtant Elle Tourne… Rond ! »
(Et Rond, Et Rond, Petits-Ponts, Crampons !).
Nouvelle écrite en « temps réel » autour de la Coupe du Monde de Football (en short) 2006, en Allemagne !
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1er Tour/mardi 13 juin à Francfort.
France-Suisse : 0-0
Mon « héros » étant censé s’attacher plus particulièrement aux crampons des joueurs hexagonaux, me voici installé devant France-Suisse : tout en ignorant, d’un revers de cils, les diverses polémiques journalistiques entourant ce premier rendez-vous officiel.
L’hexagone tremble de frilosité supportrice, voici que s’avancent les helvètes : rouges, immenses, en short bien propres et repassés, des ogres invincibles…
Quand je regarde le palmarès de la Suisse et celui de ses joueurs, ses résultats passés ou récents, j’avoue que ma raison appelle à l’aide !
À contrario, de l’autre côté, que des cadors : Zidane, Henry, Makelele, Thuram, Viera,
Trezeguet, Gallas, Sagnol, Barthez. Que des « grands ». Des références. La crème du genre, évoluant, de plus, dans les plus grands clubs européens. De quoi avons-nous peur ?
Mollement calé devant la télé, je me fais rapidement deux ou trois « micro-sommeils » dès le début de match et trouve finalement LA bonne solution pour ne pas succomber trop vite au vide ou à l’ennui : le repassage !
Une activité qui demande une grande, une extrême concentration, car à la moindre saute d’attention, c’est la brûlure dans les chairs ou le jet de vapeur qui cloue net l’organisme, et le terrasse (un ensemble peau et sang déjà soumis, lui, à une température ambiante flirtant aujourd’hui avec les 33° !).
Je ne serais pris à la faute qu’une fois, en toute fin de première mi-temps, sur une action française enfin (presque) décisive ; très vite contrebalancée par un terrible « poteau » suisse.
Alors que je me remémore encore ma prouesse du jour, tentant de comprendre comment j’ai pu commettre une telle faute, sur un simple tee-shirt, le tube cathodique me rappelle à lui, et à l’ordre, d’un même élan patriotique. En dévers de tout non-événement, une émission commence à exercer une certaine fascination sur mon esprit pour l’heure encore vide d’un réel engouement « rond ».
C’est sur Canal+, que ça se passe, et dès la prise d’antenne, ça démarre très, très fort.
Après les ablutions d’usage, les divers ronds de jambes, arabesques vocales et commentaires poussifs, en rodage, de la part des anciens joueurs, remontés à bloc – protecteurs ou assassins, l’air de rien – voici que l’on en vient enfin à l’analyse de l’action du match !
Au moment très précis où j’attaquais les serviettes et les draps de bains, le nouvel espoir français (Franck Ribéry) s’est retrouvé seul, balle au pied, devant le gardien suisse.
Alors qu’il aurait pu (dû) tirer au but, il a tergiversé et a centré (mal) en direction de Thierry
Henry, lui glissant la balle, un poil trop en arrière.
Celui-ci, malgré le déséquilibre occasionné par cette passe imprécise, a néanmoins réussi à se bloquer puis tirer au but : la balle s’en allant rebondir contre le bras d’un joueur suisse (Patrick Müller) avant que d’être finalement repoussée, renvoyée au loin, par la défense helvète veillant au grain. Ceci ayant représenté LA seule véritable action de but du match (côté français) nous voilà partis pour un rallye médiatique de type « 24 Minutes Chrono », sur l’air du racoleur : « tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le « non-but », sans jamais oser le demander ! ».
Ce qu’il y a d’affligeant, avec cette Coupe du Monde, c’est cette propension à toujours en faire des tonnes, même quant il n’y a rien à montrer… surtout, quand il n’y a rien à montrer !
Pour ne pas montrer, tout simplement, qu’il n’y a rien à montrer ! (la nature des médias à horreur du vide, qu’on se le dise, « elle » ne le fera pas…).
Là, devant mes yeux éberlués de naïveté, passent et repassent encore (jusqu’au trop-plein) les images, non pas d’un but, non, mais d’une action n’ayant abouti sur rien, ou presque, en tout cas pas sur un but ! À ce moment-là, encore candide, mais toujours décidé, j’en profite pour souffler longuement, mais reste obstinément confiant. Je ne sais pas encore que l’analyse de ce « non-but » va flirter avec la demi-heure, et rapprocher ainsi, à chaque image ou gros plan, « Lexomyl le bienheureux », de ma bouche béante, en attente…
Armés d’une « palette à dissection du rond » – avec zoom ET arrêt sur image – un aréopage de journalistes, entraîneurs et anciens joueurs, s’en va désormais détailler l’action sous tous les angles, puis les multiplier jusqu’à en explorer chaque piste, chaque infime possibilité.
– L’option « tir » :
Pourquoi Ribéry aurait dû tirer, mais n’a finalement pas osé (manque de confiance manifeste, peur d’oser, ses grands débuts au plus haut niveau, sans aucun doute, et autres banalités d’usage) ; et donc, de ce fait, pourquoi Thierry Henry se retrouve surpris au moment d’hériter du ballon !
– L’option « passe » :
Qui était bel(le) et bien la bonne, même si, en l’occurrence, elle aura été mal effectuée, mal donnée. Une fois encore, la fébrilité de Ribéry en est la cause première. Un manque d’expérience évident et ô combien préjudiciable, en la matière « but » !
– Pourquoi l’option « passe », qui était bel et bien la bonne, a finalement avorté par la faute d’un placement plus qu’aléatoire de Thierry Henry, qui eut dû se tenir plus en retrait. C’est donc lui, en se positionnant mal, qui pénalise (ralenti à l’appui) le vif-argent Ribéry au moment sacro-saint de la passe ; ce qui ne lui permet pas, par la suite, de tirer au but dans les meilleures conditions, CQFD (Ce Qu’il Fallait Détailler).
Je suis encore sous le choc de cette démonstration à deux vitesses – avec toutes les options, Airbag frontal compris – lorsque s’avance soudain, l’effrayant et définitif : « Et maintenant, voici pourquoi il y avait penalty, sur cette même action ! ».
Alors – arbitres agités et pris à partie, sur plateau – mes yeux usés, embués, tuméfiés, rougis par l’enchaînement de la sempiternelle même séquence (dite du centre en retrait) n’en croient pas leur pauvre existence puis hurlent vite à l’assassin ! Voilà que cela recommence, depuis le début !
– Pourquoi il y avait penalty :
La main du défenseur empêchant le ballon de rentrer dans le but, suite au tir de Thierry Henri.
– Pourquoi il y avait penalty :
La main du défenseur empêchant le ballon de rentrer dans le but, même si elle ne paraît pas franchement volontaire !
J’ai à peine le temps de me détendre le nerf optique, que tout s’emballe de nouveau et que la tendance s’inverse :
– Pourquoi il n’y avait pas penalty :
La main du défenseur empêchant le ballon de rentrer dans le but, mais ne paraissant à aucun moment délibérée !
– Pourquoi il n’y avait pas penalty :
La main du défenseur empêchant le ballon de rentrer dans le but, soit, même si elle ne paraît pas volontaire, mais le gardien suisse se trouvant juste derrière, et, donc, quoi qu’il advienne, sur la trajectoire de la balle : qui ne serait donc pas rentrée, en définitive.
Une suite d’images vides de sens et dénuées de tout intérêt, qui m’auront pris en otage et délesté de vingt-cinq minutes de (ma) vie terrestre ; agissant vraisemblablement de même sur les quelques milliers d’autres physionomies anonymes, et autres âmes en souffrance, sur canapé. De pauvres âmes en peine interloquées, stoppées net dans leur bel élan de soutien tricolore et finalement dévastées par la démonstration en elle-même, et par elle seule !
Le tout étant mis au service DU non-événement par excellence, en football : le « pas but ! ». Ça laisse rêveur et interpelle logiquement, quant à la suite à donner à cet exploit cathodique, autour du prochain et effrayant : France-Corée du Sud…